Les autres rhumatismes inflammatoires chroniques
Les rhumatismes inflammatoires chroniques (RIC) les plus fréquents sont la polyarthrite rhumatoïde, la spondyloarthrite et le rhumatisme psoriasique.
Mais la famille des RIC comprend plus d’une vingtaine de maladies ! Nous vous en présentons ici quelques-unes.
Le syndrome de Sjögren
Le syndrome de Sjögren, ou syndrome de Gougerot-Sjögren, parfois appelé syndrome sec en raison de sa principale manifestation, est une maladie auto-immune qui concernerait 50 000 à 200 000 malades en France, des femmes dans 90 % des cas, avec un pic de fréquence entre 40 et 60 ans.
Le syndrome de Sjögren peut être primitif (c’est alors une maladie rare) ou secondaire, c’est-à-dire associé à une autre maladie auto-immune telle que la polyarthrite rhumatoïde (PR), le lupus, la sclérodermie, la thyroïdite de Hashimoto… 20 à 25 % des patients atteints de PR auraient un syndrome sec.
Le syndrome sec est dû à une inflammation des glandes productrices de sécrétions, notamment lacrymales et salivaires, et se caractérise par une sécheresse de la bouche, des yeux, de la peau et des organes génitaux. L’atteinte oculaire se manifeste par un inconfort avec des picotements ou une sensation de sable dans les yeux. La sécheresse buccale se manifeste par une sensation de bouche sèche, pâteuse, gênant parfois la déglutition ou l’élocution, et peut entraîner le développement de caries. Cette sécheresse entraîne souvent une gêne fonctionnelle importante.
D’autres symptômes peuvent être présents : des douleurs articulaires et/ou musculaires avec une fatigue chronique, plus rarement mais de manière très évocatrice un gonflement douloureux des glandes parotides (à la jonction des joues et des oreilles), des manifestations inflammatoires systémiques pulmonaires, cutanées ou neurologiques.
Le diagnostic repose sur les symptômes cliniques (syndrome sec), le test de Schirmer pour la sécheresse oculaire (des bandelettes de papier buvard sont placées entre la paupière inférieure et la cornée pour mesurer la quantité de larmes), la mesure du flux salivaire pour la sécheresse buccale (la salive est recueillie dans un récipient gradué pendant 6 minutes), la présence d’auto-anticorps (notamment les anti-SSA et anti-SSB), la présence d’une inflammation tissulaire objectivée par une biopsie des glandes salivaires accessoires (BGSA).
Les traitements du syndrome sec sont symptomatiques pour limiter la gêne du patient : larmes artificielles ou gels lacrymaux pour les yeux, pilocarpine par voie orale pour stimuler la sécrétion de larmes et de salive, crèmes hydratantes pour la peau et gels lubrifiants pour la sécheresse intime. Une bonne hygiène de vie et des soins dentaires réguliers sont nécessaires.
Dans les formes systémiques sévères de la maladie, plus rares, un traitement immunomodulateur peut être prescrit.
Cette pathologie nécessite un suivi régulier multidisciplinaire (rhumatologue, dentiste, ophtalmologiste, dermatologue, neurologue, gynécologue, psychologue…).
L’arthrite juvénile idiopathique
Les arthrites juvéniles idiopathiques (AJI) sont les rhumatismes inflammatoires chroniques de l’enfant entre l’âge de 1 et 16 ans. Elles regroupent des maladies qui ont en commun des douleurs et une inflammation des articulations (arthrite) durant au moins 6 semaines, un début avant l’âge de 16 ans (juvénile), sans cause identifiée (idiopathique).
Les AJI sont des maladies rares qui touchent entre 4 000 et 5 000 enfants en France, certains dès l’âge d’un an. Ces maladies sont très douloureuses et souvent invalidantes : les gestes de la vie quotidienne deviennent vite très difficiles.
Il existe différentes formes d’AJI en fonction de la localisation de l’inflammation, de l’âge de survenue (petite enfance, enfance, adolescence) et de la présence de signes associés (fièvre, atteinte cutanée, atteinte du foie, etc.). Les formes les plus répandues d’AJI sont :
La forme oligoarticulaire, la plus fréquente (presque 50 % des AJI). Elle débute le plus souvent entre 1 et 4 ans et concerne majoritairement les filles (9 filles pour 1 garçon). Elle touche 1 à 4 articulations, le plus souvent sur les membres inférieurs (genoux, chevilles), de manière asymétrique. Dans un tiers des cas, on observe une uvéite (inflammation de l’uvée dans l’œil) associée.
La forme systémique dite maladie de Still représente 10 % des AJI. Elle concerne autant les filles que les garçons et débute le plus souvent entre 1 et 5 ans. Les arthrites s’accompagnent de fièvre et de signes cutanés, avec parfois un gros foie et/ou une grosse rate.
La forme polyarticulaire touche plus de 4 articulations en même temps, souvent les petites articulations (mains, poignets, pieds). En l’absence de facteur rhumatoïde (auto-anticorps), elle représente 10 % des AJI et peut survenir à n’importe quel âge. En présence de facteur rhumatoïde (5 % des AJI), elle touche surtout les jeunes filles et représente la forme la plus proche de la polyarthrite rhumatoïde de l’adulte.
L’AJI associée aux enthésopathies dite spondyloarthrite juvénile représente 5 à 10 % des AJI et atteint plus souvent les garçons entre 8 à 12 ans avec une arthrite asymétrique des jambes, souvent une atteinte du tarse (partie postérieure du pied), parfois une atteinte axiale et des sacro-iliaques (articulations reliant le sacrum aux os du bassin). Elle est la seule des AJI qui peut donner des douleurs dans le dos et les fesses.
L’AJI associée au psoriasis représente moins de 10 % des AJI et concerne les enfants ayant du psoriasis associé à des arthrites inflammatoires. La forme précoce (début avant 6 ans) se rapproche de la forme oligoarticulaire. La forme tardive se rapproche de l’AJI avec enthésopathies.
Les principaux symptômes de l’AJI sont des inflammations douloureuses au niveau des articulations qui peuvent être gonflées, parfois un temps de dérouillage matinal (période de quelques minutes à quelques heures pendant lesquelles les articulations sont enraidies et douloureuses), et dans la forme systémique une fièvre élevée et prolongée avec des pics plusieurs fois par jour, associée parfois à une éruption cutanée.
Le diagnostic repose sur la présence d’une ou plusieurs articulations gonflées et/ou douloureuses (arthrites), d’autres signes cliniques qui diffèrent selon la forme d’AJI, l’élévation des marqueurs sanguins de l’inflammation et parfois la présence d’auto-anticorps.
La prise en charge d’une AJI nécessite souvent l’association de traitements médicamenteux pour contrôler l’inflammation et lutter contre la douleur et la gêne fonctionnelle (antalgiques, anti-inflammatoires, corticoïdes, traitements de fond immunomodulateurs) et de traitements non médicamenteux (kinésithérapie mais aussi relaxation ou activité physique adaptée).
Pour plus de renseignements et pour échanger, contactez KOURIR, l’association regroupant les parents d’enfants et adolescents atteints d’arthrite juvénile idiopathique :
Site : www.kourir.org
Mail : contact@kourir.org
Tél. : 01 40 03 03 02
Le lupus
Le lupus érythémateux systémique ou lupus érythémateux disséminé est une maladie rare qui touche 0,05 % de la population, dans la très grande majorité de jeunes femmes (9 femmes pour 1 homme), avec un début généralement entre 20 et 30 ans. Le mot lupus (loup en latin) fait référence à l’atteinte de la peau du visage qui peut prendre l’aspect d’un masque de loup, et érythémateux (rouge en grec) traduit la couleur de l’éruption cutanée.
Il s’agit d’une maladie inflammatoire auto-immune multifactorielle complexe, qui se manifeste le plus souvent par une fièvre, une fatigue, des lésions au niveau de la peau (typiquement une rougeur du visage répartie de chaque côté du nez en forme d’ailes de papillon), et des douleurs ou gonflements articulaires. Dans les formes les plus sévères, l’inflammation peut toucher tous les organes (cœur, reins, vaisseaux, poumons, nerfs…). Les atteintes sont donc très variables d’un malade à l’autre et les symptômes peuvent changer au cours de l’évolution de la maladie.
Diagnostic : le lupus est suspecté devant des manifestations évocatrices à l’examen clinique. Plusieurs examens permettent de confirmer ce diagnostic et de faire la « cartographie » des différentes atteintes : analyses de sang (diminution des globules, blancs, rouges et plaquettes / augmentation de la créatinine / présence d’anticorps non spécifiques mais évocateurs : anticorps anti-nucléaires, anticorps anti-ADN natif, anticorps anti-Sm, anticorps anti-phospholipides), analyses d’urines (recherche d’une atteinte rénale) et éventuellement biopsie de peau ou de rein, échographie cardiaque, radiographie du thorax…
Le traitement a pour objectif d’améliorer les symptômes, de stopper l’évolution de la maladie et d’éviter les complications liées aux atteintes d’organes. Le type de traitement dépend donc de la forme du lupus et de la sévérité des symptômes, avec le plus souvent un traitement de fond (immunomodulateurs) associé à des traitements symptomatiques (selon les cas anti-douleurs, anti-inflammatoires non stéroïdiens, corticoïdes, traitements fluidifiants du sang, vasodilatateurs, anti-hypertenseurs…). Parallèlement, une bonne hygiène de vie et une bonne protection contre le soleil sont essentielles.
La prise en charge du lupus est multidisciplinaire et coordonnée par le médecin traitant en lien avec les spécialistes du centre de référence et/ou de compétence et le patient. L’évolution du lupus est variable mais aujourd’hui, un lupus bien suivi a un excellent pronostic. Les complications observées sont liées aux atteintes d’organes, d’où la nécessité de les rechercher régulièrement. Un suivi très régulier est essentiel.
La pseudo-polyarthrite rhizomélique
La pseudo-polyarthrite rhizomélique (PPR) touche exclusivement les personnes de plus de 50 ans, avec un pic de fréquence entre 70 et 80 ans, deux fois plus souvent les femmes que les hommes. Elle touche environ 0,5 % de la population des plus de 50 ans et 2 % des plus de 65 ans.
Étymologiquement, rhizomélique signifie en grec « racines des membres ». La PPR se caractérise par des douleurs et raideurs nocturnes et matinales, apparaissant de façon progressive au niveau des épaules et/ou des hanches et parfois du cou et/ou du rachis lombaire. Des arthrites des mains, des poignets et des genoux peuvent être associées dans environ 50 % des cas. Ces douleurs sont dues à une inflammation des structures autour de l’articulation (bursites et ténosynovites). L’état général peut être altéré avec une fatigue, un amaigrissement et plus rarement de la fièvre.
Le diagnostic de PPR est fortement suspecté devant les manifestations cliniques de la maladie qui sont très évocatrices, et une inflammation dans le sang. Une échographie des épaules et/ou des hanches permet de mettre en évidence une inflammation des structures autour de l’articulation. L’amélioration rapide des douleurs sous cortisone conforte le diagnostic.
D’autres maladies peuvent au début donner les mêmes signes que la PPR, surtout chez les personnes âgées (polyarthrite rhumatoïde à début rhizomélique, chondrocalcinose articulaire, polymyosites…), ces maladies doivent être recherchées systématiquement devant des signes de PPR et/ou du fait d’une non-réponse au traitement par cortisone (diagnostic différentiel). En cas de doute diagnostique, on a recours à la pratique de la tomographie par émission de positons (TEP-scan).
Il convient systématiquement, devant un tableau de PPR, de rechercher des signes d’artérite à cellules géantes (maladie de Horton) qui représente une urgence diagnostique et thérapeutique compte-tenu de sa gravité potentielle. Cette dernière se caractérise par une inflammation de la paroi des grosses artères (vascularite) et principalement celles du crâne dont celle de l’œil. Ses principales manifestations sont des maux de tête, des douleurs ou blocages de la mâchoire à la mastication, une gêne de type brûlures ou picotements de la langue et du cuir chevelu (en se peignant), et des signes oculaires (vision dédoublée, cécité transitoire voire définitive). L’inflammation rétrécit l’artère, entrainant une moins bonne irrigation, voire une absence d’irrigation (ischémie) des organes en aval, principalement de l’œil, avec un risque de cécité brutale qui peut être évité par la mise en place rapide d’un traitement par cortisone à fortes doses. Une biopsie de l’artère temporale est nécessaire pour poser ce diagnostic.
Le traitement de référence de la PPR est la cortisone, qui entraine une amélioration très rapide des douleurs (en 48 h) et de l’inflammation dans le sang (en 2 à 4 semaines). Une diminution très progressive (pour éviter les rechutes) des doses de cortisone peut être envisagée dès la normalisation des manifestations cliniques et des prises de sang. La durée totale du traitement par cortisone dure souvent de 18 à 24 mois (parfois plus) avant que la PPR guérisse, mais les rechutes sont fréquentes (un tiers des cas), souvent dans les 3 mois après l’arrêt du traitement.
Dans de rares cas (résistance ou dépendance à la corticothérapie), des immunomodulateurs peuvent être prescrits.
À noter :
- En raison des fortes doses de cortisones prescrites sur une longue durée, une prévention de l’ostéoporose est essentielle.
- Il n’y a pas de destruction articulaire dans la pseudo-polyarthrite rhizomélique, contrairement à la polyarthrite rhumatoïde.
Sources :
- « Les rhumatismes inflammatoires chroniques : quels points communs, quelles différences ? », Interview du Pr Jean Sibilia, PolyArthrite infos n° 98, mars 2015.
- Dossier « Que cachent vos douleurs articulaires ? », PolyArthrite infos n° 122, septembre 2021.
- « Polyarthrite rhumatoïde : contrôler la maladie pour prévenir ses complications », Interview du Pr Jean-Hugues Salmon, PolyArthrite infos n° 129, juin 2023.
- « Grandes maladies », Société Française de Rhumatologie (SFR), consulté le 15/07/23.
- « Qu’est-ce que le « syndrome de Gougerot-Sjögren » ? », Fondation pour la Recherche Médicale, consulté le 15/07/23.
- « Arthrites juvéniles idiopathiques », Filière de santé des maladies auto-immunes et auto-inflammatoires rares (FAI2R), consulté le 15/07/23.
- « La pseudo-polyarthrite rhizomélique », Interview du Pr Augustin Latourte, PolyArthrite infos, n° 126, septembre 2022.